Critique N° 872-873, janvier-février 2020 : L'Inde : colossale et capitale

Un proverbe énigmatique invoqué dans L'Aleph de Borges affirme que "l'Inde est plus grande que le monde". L'Inde est colossale. Elle est aussi capitale pour l'avenir économique, écologique et politique de la planète. Un cliché contestable en a longtemps fait "la plus grande démocratie" à la surface du globe. Il s'effrite sous nos yeux et cette démocratie présente aujourd'hui le double visage d'un creusement inouï des inégalités et d'une exacerbation des conflits communautaires, sur fond de réactivation du système des castes. La gravité de la situation indienne est largement ignorée ou sous-estimée en France. D'où ce numéro, conçu par Divya Dwivedi, où se croisent des voix très diverses, dont plus des deux-tiers nous viennent d'Inde même. Comment aborder le subcontinent ? Par ses "vraies richesses" : ses multiples capitales, anciennes et nouvelles - New Delhi, bien sûr, mais aussi Nagpur, Ahmedabad, Bengalore, Thiruvananthapuram, Allahabad, Hyderabad, Kota, Mumbai-Bombay, Calcutta - et jusqu'à cette Omega difficile à trouver sur les cartes. Avec leurs passés multiples et leurs présents foisonnants, les villes s'inscrivent en faux contre la tentative d'imposer une identité "indienne" mythologique et discriminante. Elles sont donc aussi l'avenir de l'Inde.