Sociologie des réseaux sociaux
Mercklé Pierre
LA DECOUVERTE
Avant même la déferlante actuelle des réseaux sociaux sur Internet, la notion de « réseau » connaissait en sciences sociales un succès grandissant depuis quelques décennies: les travaux pionniers des anthropologues de l'école de Manchester (John Barnes, Elizabeth Bott...) ou des sociologues du groupe de Harvard (Harrison White, Mark Granovetter...) ont fait émerger tout un ensemble de concepts, de modèles et de recherches empiriques: cette sociologie des réseaux sociaux consiste à prendre pour objets d'étude non pas les caractéristiques des individus, mais les relations entre ces individus et les régularités qu'elles présentent, pour les décrire, rendre compte de leur formation, de leurs transformations, et analyser leurs effets sur les comportements. Ce courant de la sociologie, en s'appuyant sur des outils empruntés à la psychologie expérimentale, à la théorie des graphes et à l'algèbre linéaire, mais aussi à l'ethnologie et à l'histoire, a su ainsi se constituer un domaine propre, éprouvant ses méthodes sur des objets « relationnels » aussi divers que la sociabilité, l'amitié, le capital social, le pouvoir, les pratiques sexuelles... Tout en envisageant les apports de la sociologie des réseaux à l'analyse de ces différents domaines de la vie sociale, ce livre s'interroge à la fois sur les bouleversements qu'y a introduits depuis une dizaine d'années le développement des réseaux sociaux sur Internet, et sur la validité de la prétention de l'analyse des réseaux à constituer un nouveau paradigme sociologique, une « troisième voie » théorique entre les approches macrosociales et les approches individualistes, qui trouverait son origine dans la
sociologie de Simmel plutôt que dans celles de Durkheim ou de Weber.