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Europe N° 1005-1006, janvier-février 2013 : Claude Levi-Strauss

Dobzynski Charles

REVUE EUROPE

CLAUDE LEVI-STRAUSSA ENCORE SON MOT À DIREVoici trois ans que Claude Lévi-Strauss nous a quittés, et les volumes d'hommage, biographies et autres études critiques, déjà assez nombreux de son vivant, se sont depuis multipliés, comme si cette littérature secondaire voulait, par son flux intarissable, prolonger encore l'exceptionnelle longévité et productivité du fondateur de l'anthropologie structurale - en lui érigeant un formidable mémorial de papier, à l'aune tant de sa place éminente dans l'histoire intellectuelle du XXe siècle que du prestige de vieux sage qui l'auréolait les derniers temps-tels les «trésors nationaux vivants» de ce Japon qui le fascinait.Au moment d'ajouter une nouvelle pierre à ce monceau de publications - souvent de très grande qualité -, il est donc difficile de n'être pas saisi d'un scrupule, sinon d'un vertige. Non seulement par crainte de voir la nouvelle série de contributions engloutie et dissoute dans l'océan des précédentes; ni simplement non plus par peur de répéter ce qui a déjà été dit: plutôt parce que les ethnologues nous ont appris combien étaient ambivalents les pompes et honneurs voués aux défunts, surtout illustres. Derrière les solennités qui célèbrent à l'envi leur mémoire et les promeuvent au statut d'ancêtre, ne dissimule-t-on pas aussi - plus encore, qui sait? - le désir de s'assurer qu'ils sont désormais définitivement installés dans l'au-delà, à bonne distance des vivants et ne viendront plus les troubler par d'intempestives apparitions? L'instauration du culte funéraire, avec ses cérémonies solennelles minutieusement réglées, n'est souvent que l'avers du geste apotropaïque par lequel on souhaite exorciser les fantômes du passé et les congédier d'ici-bas, pour éviter qu'ils ne reviennent hanter notre quotidien.L'analogie nous semble particulièrement pertinente en ce cas, non seulement en raison de l'ampleur exceptionnelle que le phénomène de célébration a prise, mais aussi parce qu'il a accompagné un changement de statut intellectuel de l'homme et de l'oeuvre, dont l'édition de «La Pléiade» est sans doute le meilleur symptôme. Même si une telle présentation simplifie par trop une complexe réalité, il reste que l'entrée au panthéon de la littérature entérinait aussi très largement l'expulsion du domaine de la science vivante, la figure rassurante du penseur détaché, esthète et mélancolique, obnubilant les traits par trop acérés de l'inventeur d'une méthode qui avait bouleversé radicalement le champ du savoir - et passablement ébranlé les certitudes sur lesquelles reposait depuis longtemps la conception occidentale de l'homme et de ses formes de vie sociale. L'image du philosophe, fut-il d'humeur pessimiste, veillant au chevet d'une l'humanité en péril venait opportunément faire oublier les thèses iconoclastes d'un théoricien sans concession, devenues pour finir un épisode anecdotique de la vie intellectuelle ou mondaine parisienne qu'une nouvelle mode - ou un nouveau «régime de vérité» - avait depuis rendu obsolète, avant que d'être lui-même emporté par le «paradigme» suivant. De ce point de vue, largement dominant, l'oeuvre de Lévi-Strauss s'offre désormais soit au plaisir de la lecture pour amoureux des belles lettres peu soucieux de savoir objectif, soit à des études doxographiques pointues qui en examinent les sources et conditions de production en relation avec la biographie de l'auteur et l'état des connaissances de son temps, afin de replacer son prétendu «système» dans l'histoire des idées - entre existentialisme et postmodernisme, par exemple. L'analyse structurale (essentialisée en «structuralisme», terme devenu lui-même franchement dépréciatif) perd corrélativement toute actualité et ne saurait évidemment dès lors être discutée et critiquée selon ses propres principes, définitivement dépassés, tandis que son promoteur bénéficie en contrepartie d'un prestige inactuel, complètement déconnecté des préoccupations scientifiques contemporaines. C'est à peine forcer le tableau que de résumer en un énoncé paradoxal le postulat sous-jacent à cette dérive: «Claude Lévi-Strauss était un grand penseur bien qu'il ait été structuraliste (on ne peut échapper totalement aux penchants et illusions de son époque, naïvetés dont nous sommes aujourd'hui, il va sans dire, dessillés).»(...)

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EAN
9782351500538
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